La justice française condamne sur la base d’une loi qui n’existe pas en France
Le tribunal d’instance de Niort (Deux-Sèvres) a condamné en décembre dernier un agriculteur à 5 300 € de réparations. La raison ? Les roues de son tracteur pleines de boue salissent la route qui longe sa ferme et ce depuis des années “C’était très dangereux pour le transport scolaire qui passe là, compte tenu de l’étroitesse de la route », explique le maire de Champdeniers-Saint-Denis (Deux-Sèvres).
La municipalité porte l’affaire en juste et sur le jugement rendu on peut lire que l’agriculteur “viole indiscutablement l’obligation prévue par l’article 591 de l’ordonnance sur la circulation.” Et va même jusqu’à citer l’article en entier.
Une loi introuvable dans le droit français
Nous avons cherché dans la loi française cette ordonnance sur la circulation et son article 591 : Aucune trace. Rémy Josseaume, avocat spécialiste du droit routier précise « Ce n’est pas une disposition qui aujourd’hui régi la circulation en France, cette référence-là est totalement erronée et fantaisiste”, assène-t-il. « C’est un jugement d’un pays étranger peut-être ? Ce n’est pas en France, ce n’est pas possible. »
L’article et son ordonnance apparaissent dans un texte de loi mais… en Suisse, et seulement jusqu’en 2015 ! D’ailleurs l’article en question n’est pas le 591 mais le 59-1, le même que celui repris dans le jugement français.
L’agriculteur condamné déclare « C’est des imbéciles, s’emporte-t-il. Il y a un truc de fou là-dedans qu’on n’a pas compris. Il faut se méfier de tout, la preuve ! »
« Normalement, je vérifie », déclare le juge
Le magistrat contacté par téléphone déclare « Je ne sais plus où je l’ai trouvé, mais je ne l’ai pas inventé ! Je l’ai trouvé certainement dans le Code de la route, sinon vous le trouvez sur Internet, poursuit-il. Normalement je vérifie. Si ma décision n’est pas bonne, la cour d’appel la cassera », conclut-il, avant de raccrocher précipitamment.
Pourtant, le fait de salir une route et de ne pas nettoyer est bien interdit par la loi française, selon l’article R-116-2 du code de la voirie routière. Nul n’est censé ignorer la loi : mais c’est encore plus vrai pour la justice, non ?